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Bioéthique

Conservation des ovocytes, la médecine face à ses vieux démons idéologiques, par Pierre Le Coz, philosophe

Par Pierre Le Coz, professeur des universités en philosophie, ancien vice-président du Comité consultatif national d’éthique

Quelle mouche les a donc piqués ? Dans l’un des derniers communiqués de leur Collège, les gynécologues-obstétriciens ont annoncé qu’ils entendaient promouvoir la congélation des ovocytes pour convenance personnelle. Leur argument ? « L’autoconservation de convenance est possible pour les hommes. Il n’y a pas de raison particulière pour que cela ne soit pas autorisé aux femmes. » Ce communiqué ne laisse pas d’étonner : alors que la France peine à se lancer enfin dans la congélation ultrarapide d’ovocytes pour indication médicale (telle qu’elle est prévue par la loi de bioéthique du 7 juillet 2011), voilà qu’on nous parle d’ouvrir les vannes pour des demandes extra-médicales ! Cet usage « sociétal » pour permettre au couple « d’utiliser leur propre capital génétique » (sic) apportera malheureusement de l’eau au moulin des détracteurs de la conservation des ovocytes qui avaient alerté sur les risques de pente glissante. À vouloir la révolution, on finit par entraver l’action. Et, pourtant, cette congélation ovocytaire ultrarapide dite « vitrification » a pour elle de véritables indications médicales. Une femme jeune rendue stérile à la suite d’un traitement anti-cancéreux peut garder l’espoir d’avoir un jour un enfant grâce à la congélation préalable de ses ovocytes.

On croyait que cette page sombre de notre passé était tournée. On s’imaginait que la médecine avait chassé ses vieux démons. Las ! Nous voyons la médecine idéologique réapparaître aujourd’hui sous de nouveaux oripeaux. Les gynécologues-obstétriciens de notre temps prônent l’usage rationnel et programmé des ovocytes. Aux jeunes femmes de 20 ans qui s’apprêtent à se lancer dans les études, le Collège national des gynécologues-obstétriciens lance un vibrant appel qu’on pourrait résumer par ce mot d’ordre : « Refusez la discrimination ! Prouvez que vous êtes autonomes en mettant vos ovocytes au congélateur pour les récupérer à 35 ans ! » À croire que la vie d’une femme s’arrête à l’âge de 35 ans quand il est temps enfin d’aller chercher les ovocytes de sa jeunesse perdue et de songer à faire des enfants.

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